Des programmes vers une atténuation du conflit
Août 2024
Thamindu et sa femme Sachini, la trentaine chacun, nous attendaient dans les bureaux du Good Market à Colombo. L’ambiance y est chaleureuse. L’équipe vient d’emménager - début 2024 - cet espace ouvert aux vents, niché dans le quartier luxuriant d’Independance Square. Nous y sommes toujours accueillis à bras ouverts, Peddlars Trails en tant que membre du Good Market depuis 2015 et Thamindu comme Technical Leader des PGS Good Market (Participatory Guarantee System) depuis 2014.
Nous connaissons Thamindu depuis nos débuts, rencontrés à Belipola (lors de nos voyages de repérage) ou dans des jardins potagers aux abords de Colombo (lors d’audit PGS) mais n’avons véritablement coopéré sur un projet commun que l’été dernier lorsque Thamindu a mené un projet d’action pour un groupe de voyageurs dans des jardins potagers à Deniyaya.
Thamindu a en effet plusieurs cordes à son arc et plusieurs casquettes : outre son rôle auprès du Good Market en tant que Technical Leader qui lui permet de conduire des audits PGS et de mener des programmes de formation auprès de la communauté paysanne, il travaille également en tant que chargé de mission environnement auprès du gouvernement depuis 2017. Avec Sachini, économiste en construction, il cultive aussi son jardin dans la propriété familiale (une dizaine d’hectares) à Beliyatta (près de Matara dans le sud de l’île) et selon les règles de la foresterie analogue. Ils font pousser ananas, baies sauvages, cannelle, poivre, jacquiers, etc. Ils préservent aussi un espace forestier d’environ 2000m2 pour la vie sauvage et la biodiversité qui héberge écureuils géants, oiseaux, sangliers…Par ailleurs, Thamindu est aussi formateur agréé pour la foresterie analogue et mène des programmes dans ce cadre (formation des paysans, audits de certification, activités de conservation en forêts…).
C’est pour découvrir son rôle auprès du gouvernement que nous l’avons rencontré et en particulier pour comprendre la mission qu’il couvre actuellement et qui vise à atténuer le conflit homme-éléphant. Il y contribue activement depuis 2023 au sein du ministère de l’agriculture. C’est un projet bénéficiant du soutien financier de la Banque Mondiale. Il supervise les provinces Sud et Uva. Il s’agit d’installer des clôtures électriques saisonnières avec le soutien actif des communautés généralement affectées par le conflit.
L’idée est en effet de protéger les communautés paysannes des régions sud et Uva. Le conflit homme-éléphant y est particulièrement prégnant.
La réduction drastique des zones forestières - zone d’habitat principal de l’elephas maximus qui vit majoritairement caché dans les fourrés - le conduit à chercher sa nourriture ailleurs, en sortant la nuit vers les champs cultivés.
Plus récemment et propre à la région sous la responsabilité de Thamindu, la construction d’infrastructures majeures telles que l’aéroport de Mattala a nécessité de défricher environ 2000ha de forêts. Cela a directement affecté la zone d’habitat des éléphants sauvages en le fragmentant plus encore et en coupant les couloirs de passage.
Face à l’augmentation des situations de frictions et la tension croissante entre les communautés paysannes et les pachydermes, le gouvernement a mis en place un plan d’action national pour atténuer le conflit homme-éléphant. Il suit les recommandations d’un comité multipartite présidé par Dr Prithviraj Fernando, expert du comportement des éléphants et suit plusieurs voies :
D’une part, l’approche change radicalement des politiques d’actions précédemment engagées qui consistaient à créer des enclos réservés à la vie sauvage et protégées par une clôture électrique. Tandis que mères et éléphanteaux restaient dans ces réserves, les mâles détruisaient régulièrement ces barrières pour piller les fermes alentours. Désormais, les clôtures entourent les zones de cultures et habitats. On parle donc d’ “exclos”. Une fois les récoltes terminées, ces clôtures électriques (solaires) sont enlevées et stockées pour être réutilisées à la saison suivante. Sur la période intermédiaire après récoltes, les animaux sauvages ont accès aux champs et peuvent se nourrir des résidus. Il s’agit aussi de considérer le problème du point de vue des éléphants et pas seulement du point du vue humain.
Des programmes d’information et d’éducation sont conduits régulièrement dans les régions concernées. Thamindu accompagne Dr Pritiraj. Les communautés productrices de riz, mais aussi de bananes et noix de coco, sont visées en priorité car ce sont les plus concernées. 27 communautés rizicoles (“paddy communities”) ont été couvertes par le programme en 2023, 33 sur le premier semestre 2024. Ces programmes sont de mieux en mieux accueillis, note Thamindu. Parce qu’ils sont maintenant partie prenante de cette politique, ils soutiennent beaucoup plus les actions, le résultat étant que leur récolte est mieux protégée.
Les communautés participent en effet activement au programme, en installant et entretenant les clôtures saisonnières. Elles sont plus engagées et responsabilisées pour la protection des champs.